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🟨🟧 Miscellanées sur un pari risqué

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La ruse tactique, les tambours va-t-en-guerre de Fox, l’embarras des MAGA, l’adieu au Nobel et autres observations sur le choix historique de Trump d'attaquer l'Iran

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Philippe Corbé
juin 23, 2025
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Hi everyone, un Zeitgeist spécial ce matin.

Cinq observations Zeitgeist qui ne prétendent pas à l’exhaustivité mais qui pourront, je l’espère, vous permettre de mieux comprendre ce qui s’est joué.

  • comment Trump a simulé l’hésitation, menti sur le calendrier… et frappé par surprise. Une tromperie en deux actes : diplomatique et militaire.

  • comment Fox News a convaincu Trump de partir en guerre.

  • comment le vice-président Vance n’échappe pas au ridicule en essayant de rassurer les MAGA isolationnistes débordés par les faucons néo-conservateurs.

  • comment Trump s’est résolu à oublier son rêve de Nobel de la Paix. Il voulait Oslo. Il aura eu Fordow.

  • Et si cette guerre était surtout un levier pour consolider le pouvoir autoritaire de Trump ? L’avertissement glaçant de Robert Kagan dans The Atlantic : “La démocratie américaine ne survivra peut-être pas à une guerre contre l’Iran.”


1-La ruse avant la foudre

À défaut d’avoir une stratégie, Donald Trump a démontré qu’il savait faire preuve de tactique.

On l’accuse souvent d’être inconsistant, erratique, de manquer de discipline : il faut pourtant lui reconnaître un certain sens de l’astuce.

Même s’il est encore trop tôt pour conclure si cette opération historique est un succès : Trump se vante que “les principales installations d’enrichissement nucléaire de l’Iran ont été complètement et totalement anéanties”, mais son vice-président laisse entendre, ces dernières heures, que l’Iran contrôle toujours son stock d’uranium enrichi.

Mais laissez-moi vous raconter comment Trump a piégé l’Iran en simulant l’hésitation.

Jeudi, Donald Trump promettait de prendre “jusqu’à deux semaines” pour décider s’il frapperait l’Iran. On verra dans deux semaines, rengaine habituelle de Trump quand il veut glisser de la poussière sous le tapis. Samedi, à 18 h, heure de Washington, des B-2 américains pénétraient l’espace aérien iranien. Ce décalage n’était pas une contradiction. C’était une ruse.

La Maison-Blanche parle aujourd’hui de “l’une des opérations militaires les plus complexes de l’histoire”. Comme l’a révélé le Wall Street Journal, et cela a ensuite été confirmé par le Pentagone, elle fut aussi l’une des plus théâtrales.

Une “feinte” titre matin Axios : un leurre diplomatique (faire croire que ce président réputé velléitaire hésitait encore) et un leurre militaire (faire décoller des avions par l’ouest, au-dessus du Pacifique, visibles sur les radars, pendant que la véritable frappe se préparait par l’est, au-dessus de l’Atlantique).

On comprend mieux le nom de code de l’opération : Midnight Hammer. Les Iraniens se sont pris un coup de marteau, au milieu de la nuit, par derrière. Elle visait à annihiler les principales installations nucléaires iraniennes tout en conservant l’effet de surprise.

Samedi matin, des bombardiers B-2 quittent leur base dans le Missouri et filent vers le Pacifique. Les observateurs civils les repèrent. C’est voulu. Pendant ce temps, une autre escadrille, transpondeurs éteints, met cap à l’est. Objectif réel : frapper l’Iran en fin de journée, heure de Washington.

Au passage, il faut vraiment prendre les Américains pour des cow-boys patauds pour croire que des avions furtifs, partis de Kansas City, détectés par des civils, trahiraient une attaque… du mauvais côté.

Trump donne son feu vert définitif depuis son club du New Jersey, quelques heures seulement avant l’assaut. Il rentre à la Maison-Blanche alors que les avions survolent déjà le Golfe. À 19 h 50, alors que les bombardiers ont quitté l’espace aérien iranien, l’annonce est faite sur Truth Social. “Spectaculaire réussite militaire”, dira Trump.

Les bombes utilisées (des GBU-57, surnommées bunker busters, ou bombes anti-bunker) n’avaient jamais été employées. Quatorze d’entre elles sont larguées, dont douze sur Fordow, site enfoui sous une montagne. Plus de 30 missiles Tomahawk, tirés depuis des sous-marins américains, visent Natanz et Ispahan. La frappe, selon le Pentagone, n’a rencontré “aucune résistance aérienne”.

Mais ce qui distingue cette opération, c’est la dissimulation politique qui l’a précédée. Officiellement, Trump voulait laisser une “chance à la diplomatie”. Officieusement, tout était prêt. Dès le début de la semaine, les plans d’attaque sont affinés dans un cercle restreint. Même certains membres du cabinet ne sont pas informés. Le jeudi, la porte-parole Karoline Leavitt lit un message : le président prendra sa décision “d’ici deux semaines”. La décision est déjà prise.

La Maison-Blanche affirmait vouloir attendre. Samedi matin, selon plusieurs sources officielles, aucun ordre n’avait encore été donné pour mobiliser les bombardiers. C’était faux.

Ce délai trompeur n’a pas seulement pris Téhéran de court. Il a aussi peut-être évité que les Iraniens déplacent du matériel sensible hors des installations visées, en particulier à Fordow, enfoui profondément sous terre, et considéré comme une cible prioritaire.

Dans le langage du Pentagone, cette stratégie de diversion est une opération de deception. Dans la pratique, c’est une guerre de la perception. À l’ouest, on laisse une trace visible, traçable, peut-être même volontairement bruyante. À l’est, on agit dans le silence. Préserver l’effet de surprise était crucial.

Le jour de la frappe, Trump réunit ses proches dans la Situation Room. La photo officielle le montre, casquette rouge vissée sur la tête (ce n’est pas un hasard, message appuyé pour essayer de rassurer la base MAGA), entouré du vice-président JD Vance (sceptique sur une intervention militaire américaine), du secrétaire d’État Marco Rubio (dont le premier réflexe, le premier matin de la guerre, avait été de prendre ses distances avec l’attaque israélienne), du secrétaire à la Défense Pete Hegseth (qui fera le spectacle à la télévision dimanche matin à l’heure du petit déjeuner, là où il présentait encore récemment la matinale de Fox News), et de la directrice du renseignement Tulsi Gabbard (ancienne démocrate isolationniste ralliée à Trump, répétant qu’il était celui qui empêcherait les États-Unis de s’embarquer dans une nouvelle guerre).

Tromper l’ennemi, mais aussi l’opinion. Feindre le recul pour dissimuler l’assaut. L’illusion est un artifice.

Ne jamais l’oublier : le pouvoir trumpien est toujours un théâtre.

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